Les éoliennes prennent le large

Source : Ouest France (6/09/2004)

Onze projets d'éoliennes en mer ont été proposés sur tout le littoral, en réponse à un appel d'offres national. Le ministère de l'Industrie doit choisir les lauréats avant janvier 2005. Concilier les intérêts des différents usagers de la mer avec ces futures installations sera une des grosses difficultés. En mer, les vents sont plus forts, plus réguliers, moins turbulents qu'à terre. Les coûts de construction des éoliennes y sont plus élevés, mais la production d'électricité plus importante. « La filière éolienne off shore semble prometteuse », indiquait ainsi, en 2002, le secrétariat général à la Mer.

Cette filière doit aider la France à tenir son engagement vis-à-vis de l'Europe : en 2010, notre pays devra produire 21 % des besoins nationaux grâce aux énergies renouvelables (contre 15 % aujourd'hui). Un appel d'offres pour la construction d'éoliennes en mer a été lancé en février par le ministère de l'Industrie. Toutes les façades maritimes françaises sont représentées dans ces dossiers, déposés le 13 août : quatre projets sur la façade Manche et mer du Nord, six pour l'Atlantique et un en Méditerranée.

La commission de régulation de l'énergie les examine pour le ministère : les lauréats seront désignés au plus tard en janvier. Il devrait y en avoir plusieurs, car l'appel d'offres limite la puissance par site à 150 mégawatts, pour un objectif total de 500 mégawatts. Conflits d'usages Les sites favorables ne sont pas si nombreux. « L'énergie off shore est compétitive à des profondeurs d'eau allant jusqu'à 15 m », estiment des exploitants danois, forts de leur expérience. « En mer du Nord, à 25 km de la côte, on trouve encore une profondeur inférieure à 15 m, indique Michel Paillard , qui suit ce dossier à l'Ifremer . On peut éloigner les parcs. Au large du pas de Calais et de la Normandie, les conditions sont encore correctes. Plus on descend, plus il faut se rapprocher de la côte, dans des zones aux multiples usages. »

Ce n'est donc pas surprenant que le seul projet déposé par Total , associé à Shell , soit au large de Dunkerque. Les projets envisagés par le groupe pétrolier français sur l'Est-Cotentin (au large de Ver-sur-Mer), en Bretagne (vers Groix) et en Méditerranée (au large de Port-La-Nouvelle) n'ont pas été déposés. Celui de Dunkerque a déjà suscité des réactions au sein du Comité des pêches - qui craint une restriction de ses zones d'activité - et du Cross Manche, qui redoute un impact sur les ondes qui perturberait le trafic maritime. « La superficie du parc n'est pas déterminée, rassure Philippe Gateau, de Total. Si ce projet est retenu, il y aura une concertation importante. » Un appel d'offres critiqué Dans l'Ouest-Cotentin, Eole Res propose un site au large de Saint-Rémy-des-Landes qui suscite l'opposition d'élus et de pêcheurs. « C'est normal, nous avons ouvert la discussion, commente Bertrand Peuchot, responsable offshore d'Eole Res. Siif-Énergies , filiale d'EDF, a étudié un site face à La Baule, sur le plateau de La Banche. L'entreprise ne dit pas si le projet a été déposé. Un opérateur, pour lequel le bureau d'études nantais Al Tech a travaillé, a également des visées aux abords de l'île d'Yeu. Enfin, Françaises d'éoliennes propose un site à l'embouchure de la Gironde, au large de Soulac-sur-Mer, sur un banc de sable. « Ça facilite les fondations, c'est important dans l'économie du projet », indique Olivier Duguet, le PDG. L'avis des comités locaux des pêches - défavorable - a été sollicité. Et la configuration des éoliennes a été prévue pour limiter leur visibilité de la plage.

En Méditerranée, seuls La Compagnie du Vent et Shell Wind Energy , associés, portent un projet au large d'Agde. Ils envisageaient un site similaire au large de Fos-sur-Mer, mais n'ont pas déposé de dossier. Certains projets déposés n'ont pas fait parler d'eux, ayant sans doute moins joué la concertation, un point pourtant affiché comme prioritaire par le ministère. « Il a beau jeu de le dire , estime Antoine Saglio, délégué général du syndicat des énergies renouvelables. Mais le prix est presque le seul critère déterminant. C'est très choquant. On ne lance pas une technologie nouvelle avec du moins-disant. » D'autres critiques sont formulées envers cet appel d'offres. Il laisse dans le flou la fiscalité ; les collectivités ignorent s'il y aura une retombée financière, comme la taxe professionnelle. Enfin, le délai - une entrée en service dès janvier 2007 - paraît intenable, à moins d'une forte mobilisation des pouvoirs publics pour accélérer les démarches.