Sinistres éoliennes

Source : Le Monde (édition du 4/08/2004 - Repères)

Avez-vous remarqué qu'on ne dit pas une « centrale d'éoliennes » - terme classique pour la production d'énergie -, mais une « ferme d'éoliennes », ou à la rigueur un « parc » ?

C'est un peu comme des poules, des canards, peut-être une vache par-ci, par-là, bio bien sûr, et qui mangent sans doute de l'herbe ou du grain. Ou comme le parc de Thoiry, où l'on entend les sympathiques éoliennes barrir le soir au fond des bois.

La langue de bois, justement, n'a pas fini de frapper dans le marketing de tout poil, quand il s'agit de vendre sa salade bio. En allant vers le petit village où je vis une partie de l'année et à proximité duquel les propriétaires fonciers (particuliers, communes), par l'euro alléchés, prostituent volontiers nos paysages à tous les vents, je subis au-dessus de Lézignan-Corbières ou vers Fitou la ligne de ces monstres de vingt étages aux trois quarts arrêtés (pourquoi ?) qui coûtent à l'EDF et au contribuable la peau de ce qu'on veut pour trois fois rien du tout.

Les affreuses lignes à haute tension, c'était très laid (parce que l'énergie était nucléaire). Les abominables éoliennes, c'est très beau, parce que c'est « naturel ». Les virus aussi.

Les caprices du vent

Les éoliennes n'ont plus le vent en poupe. On leur reproche d'abord leur esthétique, qui endommage définitivement des sites remarquables et classés.

S'il n'y avait que cet inconvénient, on trouverait bien une solution pour améliorer leur aspect, et les générations futures s'y accoutumeraient comme les générations passées se sont habituées à la tour Eiffel.

Mais il y a plus grave : le coût de l'électricité produite que les distributeurs ont l'obligation d'acheter à un tarif imposé, faute de quoi elle serait invendable et personne ne se risquerait à investir dans cette industrie.

Par ailleurs, le vent est capricieux, et si nous voulons disposer d'électricité en fonction de nos besoins, les éoliennes devront être doublées par des centrales classiques destinées à pallier les fantaisies de la météorologie, ce qui va contribuer à alourdir la facture.

Au lieu de se précipiter pour combler notre retard, il serait plus pertinent d'étudier les conséquences des investissements faits par ceux qui nous ont précédés dans ce domaine et de voir ce que donnent les éoliennes déjà installées et en service dans notre pays.

Pour l'instant, les déclarations d'intention du gouvernement semblent destinées à calmer les écologistes pendant la construction du réacteur nucléaire surpuissant EPR, comme en d'autres temps la mise en place de l'heure d'été et la création de l'Agence française pour la maîtrise de l'énergie (AFME) ont permis de lancer le programme nucléaire.