L'avenir des « fermes éoliennes »

Source : Le Monde

(...) Une éolienne produit de l'électricité non quand on en a besoin, mais quand il y a du vent. On peut en illustrer les conséquences par un exemple récent, qui date de la fin d'octobre 2003, où il fit grand froid, notamment en Allemagne, où fut alors éprouvé un grand besoin d'électricité. Ce froid fut accompagné par un anticyclone scandinave, avec une absence totale de vent ; les éoliennes allemandes restèrent parfaitement immobiles et leurs 13 000 mégawatts (l'équivalent de dix tranches nucléaires) manquèrent à l'appel : il fallut trouver ailleurs, non sans mal et fort cher, les ressources nécessaires.

Il y aurait d'autres éléments à ajouter : l'allergie mécanique et électrique des éoliennes aux sautes de vent si fréquentes en montagne. Cela a conduit Britanniques et Danois à implanter leurs éoliennes au large en mer, malgré les dépenses et sujétions que cela implique, pour bénéficier d'un vent plus stable et éviter les problèmes de voisinage. Mais, même dans le cas très favorable de leur côte ouest, les Britanniques ne prévoient qu'un taux de disponibilité de 35 heures sur 100. Cela signifie qu'en construisant, pour un coût au kilowatt installé voisin de celui d'une centrale nucléaire, une « ferme éolienne » on alimente le réseau le tiers du temps. Il faut donc construire en même temps, et en plus, une centrale parfaitement conventionnelle pour fournir, les deux tiers du temps restants, une énergie capable de suppléer aux fantaisies du vent. Troisième élément : la taille des parcs éoliens. Il est surprenant que les écologistes, prompts à s'enflammer contre la présence des pylônes haute tension qui abîment un paysage, acceptent celle des fermes éoliennes. (...)

A ma connaissance, la plus grande éolienne au monde, implantée près de Magdebourg (Allemagne), est un monstre installé sur un mât de 125 mètres de haut, équipé d'une nacelle pesant 400 tonnes (dont le hissage à cette hauteur fut d'ailleurs une prouesse technique) et d'une hélice de trois pales, chacune de plus de 50 mètres de long et pesant plus de 20 tonnes. Quand le vent est favorable, ce monstre fournit 4,5 mégawatts au réseau, soit les deux tiers de la puissance d'une seule rame de TGV.

Restons objectifs : une application très valable de l'éolien est de le coupler avec des barrages hydroélectriques existants sous-alimentés en eau, comme cela se trouve au sud de l'Espagne, du fait de l'aggravation climatique causée par l'effet de serre. Quand il y a du vent, on laisse se remplir les barrages ; quand il n'y en a plus, on met ceux-ci en service, en utilisant l'eau précédemment stockée. C'est la seule façon pratique de stocker indirectement l'électricité éolienne. Ajoutons un dernier point : si elle coûte à installer aussi cher au kilowatt qu'une centrale nucléaire, il serait audacieux d'affirmer qu'elle vive aussi longtemps.

Voilà des réalités qu'il faut dire et voici pourquoi l'énergie éolienne n'est à installer qu'à dose homéopathique. (...)